DELACROIX, La liberté guidant le peuple, 1830




   
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http://www.canal-educatif.fr/videos/art/1/delacroix/la-liberte-guidant-le-peuple.html



La Liberté guidant le peuple.

28 juillet 1830
Huile sur toile de 2m60 X 3m25
Paris, Le Louvre

style: romantisme
genre: peinture d'Histoire



Un Contexte historique

Le tableau est peint le 28 juillet 1830, à Paris, durant l'évènement historique des "Trois Glorieuses". Les "3 Glorieuses" sont les 3 jours d'insurrection des 27, 28 et 29 juillet 1830. Cette révolte armée est une réaction du peuple aux 4 ordonnances signées par Charles X le 25 juillet 1830 qui limitent les libertés: notamment, sa 1ère ordonnance, qui suspend la liberté de la presse et sa 3ème ordonnance qui réserve le droit de vote aux seuls riches propriétaires fonciers (souvent les partisans du roi), retirant ainsi le droit de vote aux commerçants et aux industriels. Il n'en faudra pas plus pour que l'émeute éclate. Les journalistes, directement touchés par la 1ère ordonnance, préparent la rébellion: depuis les bureaux du journal "Le National", ils rédigent une protestation dans laquelle ils refusent de reconnaître la dissolution des chambres des députés et l'autorité du gouvernement. Des attroupements se forment à la porte des bureaux et la révolte éclate. Partout des barricades sont dressées, le peuple se révolte, épaulé pour la 1ere fois par  la haute bourgeoisie de la finance et de l'industrie, qui se bat pour pouvoir garder son influence politique. Bientôt Paris est aux mains des révolutionnaires. Charles X perd son trône et s'exile en Angleterre. La République est enfin à portée de main. Seulement, la haute bourgeoisie pense à son propre profit et préfère juste changer de roi... la Presse fait campagne pour le duc d'Orléans...l'espoir pour le peuple de proclamer la République est anéanti. Le duc d'Orléans devient Louis-Philippe 1er et fonde la Monarchie de Juillet, plus libérale, qui donne le pouvoir à la haute bourgeoisie française. Elle durera jusqu'en 1848.

Durant cette période de conflit politique, le monde de l'art connaît lui aussi des débats très animés entre les Néoclassiques (défendant la ligne pure du dessin et la référence à l'Antiquité dans les sujets) et les Romantiques, voulant avant tout exprimer avec sensibilité leurs sujets, par le choix de couleurs vives et de formes mouvementées. Peu à peu les formes néoclassiques vont se soumettre à l'expression du mouvement par la couleur.


DELACROIX, sa vie et son art

Delacroix naît en 1798 tout près de Paris, d’un haut fonctionnaire de l'Etat Charles Delacroix et d’une mère d’origine allemande, parente de l’ébéniste de Louis XV et de Louis XVI. Il est possible que son père légitime soit en fait le Prince de Talleyrand, l’homme du Concordat qui protégea l'artiste au début de sa carrière. Talleyrand était alors Premier Ministre. Après le décès de son père le jeune E. Delacroix et sa mère s’installent à Paris. Il y suit le lycée Impérial (nommé maintenant Louis Legrand), où il se distingue rapidement par la qualité de ses dessins. La mort de sa mère laisse le jeune homme alors âgé de 16 ans dans une situation très précaire.
 Le jeune Eugène part faire son apprentissage chez le peintre Guerin, qui est un ancien élève de David et un peintre académique de renom. Delacroix y fait la connaissance d’artistes talentueux tels que Géricault (de 7 ans son aîné) et Gros.
Géricault influencera l'art de Delacroix au début de sa carrière. Le jeune peintre lui emprunte ses forts contrastes d’ombres et de lumières donnant du relief et du volume aux modèles. Il utilise également certaines de ses couleurs : des vermillons, des bleus de Prusse, des bruns, des blancs colorés... Delacroix fréquente les Beaux-arts. Le jeune peintre passe beaucoup de son temps à copier les maîtres qu'il admire au musée du Louvre: Velasquez, Rembrandt, Véronèse, Rubens, dont le style riche et coloré influença beaucoup l'œuvre Delacroix .

En 1822, Delacroix âgé de 24 ans,  expose pour la première fois au Salon une toile: Dante et Virgile aux enfers, qui sera plus ou moins appréciée, mais qui sera achetée par l'Etat. C'est également l'année où il commence à écrire son journal qu'il teindra durant deux ans. Il le reprendra plus tard à 49 ans.



En 1824, L'Etat lui commande un tableau pour une église "le Christ au jardin des oliviers" et il expose 4 tableaux dont les célèbres "Scènes des massacres de Scio", illustrant un épisode de la guerre de libération des Grecs par les Turcs. Ce tableau témoigne de l'engagement de Delacroix par rapport aux problèmes de son temps. Ainsi commence la carrière de Delacroix, partagée entre des commandes de l'Etat et des peintures, relatant des évènements historiques ou non.










Il effectuera un court séjour Angleterre qui lui permettra d'étudier le grand peintre paysagiste Constable et  de découvrir les passions du théâtre anglais, qui le marquera énormément. Durant sa carrière, il réalisera diverses lithographies illustrant des pièces tel que Faust de Goethe ou Hamlet de Shakespeare.



Ces lithographies Illustrent le rôle essentiel joué par le théâtre dans la naissance du courant romantique dont Delacroix sera le précurseur. Ces lithographies pourtant  ne remportent quasiment aucun succès auprès du public, et le journal L’Artiste alla même jusqu’à évoquer des « pages désolantes » que l’artiste aurait mieux fait de garder dans ses cartons. Certains critiques d’art précurseurs comme Paul de Saint-Victor dans La Presse du 31 mai 1864 furent cependant enthousiasmés : « Relisez Hamlet en le confrontant avec les lithographies d’Eugène Delacroix, le drame prendra vie et souffle et s’illuminera de lueurs nouvelles. Il a revêtu de leur forme propre les personnages flottants entre la vie et le rêve..."

Faust, rencontre entre Faust et Marguerite Hamlet, la mort d'Ophélie

En 1831, Delacroix a 33 ans et est nommé Chevalier de la Légion d’honneur. Il expose au Salon onze œuvres. Parmi celles-ci,  "La Liberté guidant le peuple" que le roi Louis-Philippe Ier fait acheter pour le musée Royal. Le tableau n'est pas sans rappeler sa " Grèce expirant sur les ruines de Missolonghi", exposée 3 ans plus tôt à la galerie Lebrun.

Grèce expirant sur les ruines de Missolonghi La Liberté guidant le peuple

 En 1832, Delacroix part pour le Maroc et l'Algérie.  Il est invité à se joindre à la mission diplomatique française envoyée auprès de l'empereur du Maroc. Il y commence l'illustration de ses fameux carnets de croquis: une multitude d'esquisses, d'aquarelles et de notes qu'il ramènera avec lui et qui viendront enrichir son style artistique. Celui-ci s'en trouvera profondément modifié, plus exotique. Le peintre s'efforcera dorénavant de retranscrire les sensations intenses ressenties là-bas, en portant un intérêt particulier à la magnificence de la luminosité et la richesse des couleurs de l'Orient. 





A son retour en France, Delacroix enchaîne les expositions de toiles dans les Salons parisiens et les commandes officiels de l'Etat: commandes de portraits ou décorations de palais (le palais Bourbon et le palais du Luxembourg notamment). Durant cette période, l’artiste fréquente les salons littéraires parisiens, et rencontre Stendhal, Mérimée, Victor Hugo, Alexandre Dumas, Geoges Sand... il préfère la compagnie des écrivains et de poètes, tels que Théophile Gautier ou Baudelaire, à celle des peintres. Passionné aussi de musique, il se rapproche de Paganini et de Frédéric Chopin, dont il fera deux portraits très pénétrants.

En 1842, il subit une 1ere crise de laryngite.  Ce sera le début d'une très longue maladie. Il reprend son journal en 1847 qu'il continuera jusqu'à sa mort. Ses écrits livrent surtout des réflexions sur l'art et sur ses lectures. Il va en Belgique plusieurs fois pour étudier Rubens: sa peinture baroque l'attire. Rubens traite ses volumes en masses colorées, à grands coups de brosse, dans une composition enlevée. Delacroix est inspiré par le dynamisme de ses compositions et la richesse de sa palette.

En 1846, il est promu officier de la légion d'honneur et un an plus tard, s'ajoute à sa vie d'artiste, une vie plus politique: il devient et ce pour 10 ans, conseiller municipal de Paris.
En 1855, il prépare la 1ere Exposition Universelle et on lui demande de regrouper 36 de ses oeuvres pour une rétrospécive aux côtés du peintre Ingres. Il réalise pour l'occasion: "La chasse aux lions", qui sera un triomphe. On peut remarquer les similitudes entre la toile de Delacroix et celle peinte par  Rubens: même composition énergique et chargée et utilisation de couleurs vives. Cette même année, Delacroix est nommé Commandeur de la Légion d'honneur.
 

2 ans plus tard, il est enfin élu à l'Institut, après 7 tentatives et 20 ans d'attente. Sa santé hélas s'altère; il enchaîne les cures thérapeutiques et de repos qui l'empêchent de travailler comme il le souhaite. Le peintre se retire peu à peu de la vie publique. Durant la dernière décennie de sa vie il ne participe qu'à un seul Salon, où ses oeuvres seront critiquées car considérées comme non abouties.  A la suite de sa longue maladie, Delacroix s'éteint en 1863.

Tout au long de sa carrière, ses œuvres suscitent souvent de violentes polémiques: sévèrement critiquées, parfois refusées au Salon mais aussi quelques fois acclamées. De façon générale elles sont acquises par l'Etat, qui durant toute sa vie, continue de lui passer commande et lui rend les honneurs officiels.
Au cours de sa carrière, ses peintures s'éloignent rapidement du classicisme, trop rigide et trop distant à son goût. Delacroix cherche à exprimer au-delà des apparences réelles, la passion humaine.
Il écrivait :  " L’homme porte dans son âme des sentiments innés qui ne seront jamais satisfaits par les objets réels, et c’est à de tels sentiments que l’imagination du poète et du peintre donnera forme et vie."
Lorsqu’il meurt, le 13 août 1863, le milieu académique lui demeure encore hostile, critiquant ses compositions extravagantes et l'audace de ses couleurs, mais les jeunes peintres reconnaissent en lui le vrai maître de son temps, précurseur du mouvement romantique. Dans de nombreux pays d'Europe, écrivains, musiciens et peintres romantiques vont exprimer leurs émotions et leurs sentiments personnels. Ils s'engagent aux côtés des peuples opprimés et n'hésitent pas à affronter le pouvoir.

Un mot sur le Romantisme:




Présentation de la toile:

" J'ai entrepris un sujet moderne, une barricade, et si je n'ai pas vaincu pour la patrie, au moins peindrai-je pour elle. Cela m'a remis de belle humeur" ( lettre du 28 octobre à son frère).

La scène illustre la seconde journée des "3 Glorieuses", le 28 juillet, jour durant lequel le drapeau tricolore sera hissé au sommet des tours de Notre Dame de Paris et sur l'Hôtel de Ville conquis par les insurgés.

Le tableau place la scène sur une des barricades typiques de cette journée révolutionnaire. Une jeune femme, brandissant le drapeau tricolore mène le peuple qui l'entoure vers la Liberté. A ses pieds gît un amoncellement de cadavres, les victimes de l'insurrection.

Cette toile fut exposée au Salon de 1831. Elle fut achetée par l'état pour le musée du Luxembourg. Jugée trop audacieuse par certains, elle resta cachée aux yeux du public pendant plusieurs années. Elle entra au Louvre en 1874.




Construction du tableau:

Le tableau est organisé selon une structure pyramidale, dont la base est formée par l'alignement des cadavres. Le drapeau est le sommet de cette pyramide.








L'oeuvre est construite selon la règle des "3 tiers": la toile est découpée en 3 parties égales horizontalement et verticalement. Cette construction permet de guider le regard du spectateur et de mettre en relief certaines parties de la toile.





La scène est représentée en "contre-plongée":
Cet axe de représentation accentue l'effet de la pyramide. En effet, une contre-plongée positionne le point de vue du spectateur en dessous de la scène représentée et le fait regarder vers le haut, ce qui entraîne une accentuation voir une déformation de la perspective.
Dans le tableau, le spectateur est en position inférieure par rapport à la scène qui se joue devant lui. Cet angle de vue  a également pour effet de renforcer le caractère dynamique et héroïque des personnages, qui paraissent ainsi plus proches du spectateur et plus impressionnants.





La lumière vient de la gauche du tableau. Cette lumière transversale permet de dessiner énergiquement et durement les formes par de forts contrastes ombre/lumière.
Au centre, la femme est la zone la plus éclairée du tableau avec la couleur jaune de sa robe et la lumière latérale.  Les modelés de son corps, notamment sa poitrine et les plis de son habit semblent réfléchir cette lumière, qui vient se refléter dans la chemise blanche du gisant en bas à gauche. Derrière elle, des nuages illuminés par un probable soleil couchant, créé un halo, une "auréole céleste" autour de son profil et du drapeau qu'elle brandit.
En bas du tableau, les couleurs sont beaucoup plus sombres, en accord avec le thème morbide.
Dans l'ensemble du tableau, la palette de couleurs utilisées est homogène: un camaïeu (une seule couleur utilisées dans différentes tonalités plus ou moins claires) de bruns et de beige où seuls les couleurs plus franches bleu/blanc/rouge apparaissent à maintes reprises dans la toile, comme un leitmotiv : drapeau, foulard et ceinture de l'homme au sabre à gauche, vêtement tricolore de l'homme agenouillé, costume du gisant à droite, le ciel, bleu et blanc avec une touche de rouge dans le blanc...






Les personnages du tableau:
3 niveaux superposés sont visibles dans cette toile:
  • Le 1er niveau, en bas de la toile, est celui des morts.
  • Le 2nd niveau est celui des  combattants et des blessées, il est le lien entre la vie et la mort
  • Le 3ème niveau, en haut du tableau, est celui de la vie et de la Liberté.

Delacroix réunit sur sa toile différents personnages hommes, femme et enfants issus de différentes catégories sociales. Ils sont positionnés en différents plans:
Le 1er plan présente un amoncellement de corps de victimes et de blessés. A gauche, le corps dépouillé de son pantalon, les bras étendus et la tunique retroussée, rappelle par sa posture un sujet antique et académique: Hector, héros d'Homère. On peut également deviner dans l'exécution de ce personnage l'influence du peintre Géricault, que Delacroix a rencontré plus tôt, lors de sa formation dans l'atelier Guérin. Nous retrouvons en effet ce "même" cadavre en chemise retroussée dans "le radeau de la Méduse" peint en 1819 par Géricault et dans lequel Delacroix posa.
A droite de la toile, on identifie deux soldats de Charles X: un officier de la gendarmerie royale reconnaissable à sa longue veste bleue aux épaulettes blanches  et un carabinier de la garde royale reconnaissable à sa cuirasse , à sa veste bleu foncé et à son shako (chapeau haut de forme).













Au 2eme plan, une fille du peuple, en partie dévêtue est coiffée du bonnet phrygien (symbole de la liberté: chez les Grecs et les Romains, le bonnet phrygien était celui des esclaves affranchis. D’où le lien symbolique avec la liberté. Il fut adopté lors de la Révolution de 1789 par les sans-culottes comme un symbole d'affranchissement et d'égalité, et qui reste le symbole de la République). Elle brandit le drapeau tricolore. Fougueuse, révoltée et victorieuse, elle incarne la Liberté guidant le peuple et rappelle la Révolution de 1789 ainsi que la souveraineté du peuple.
Figure centrale du tableau, elle est représentée "en pied" (en entier, de la tête aux pieds) au centre de la toile et éclairée de toute part. Son corps drapé et en partie dénudé ainsi que son profil grec rappellent les divinités de l'Antiquité. En la représentant Armée d'une baïonnette modèle 1816 et le bras levé laissant voir la pilosité de son aisselle, Delacroix rend son allégorie bien réelle: il la représente en simple fille du peuple ancrée dans l'actualité de la révolte des 3 glorieuses. Avant le tableau de Delacroix, l'allégorie de la Liberté luttant contre ses ennemis était attribuée au tableau d'Antoine-Jean Gros "Bonaparte au pont d'Arcole", 1796.




A sa gauche, un gamin, un pistolet dans chaque main et coiffé de la faluche (béret en velours noir des étudiants de Paris),  porte en bandoulière la giberne d'un soldat de Charles X. Il avance de face, le pied droit en avant, la bouche ouverte, criant à l'assaut.  C'est le futur "Gavroche" de Victor Hugo décrit dans "Les Misérables" une trentaine d'année plus tard.
Aux pieds de la Liberté,  un homme à terre se redresse. il a un ruban rouge noué sur la tête. Sa chemise bleue évoque son statut d'ouvrier temporaire. L'ensemble de ses vêtements porte les couleurs du drapeau (chemise bleue, sous-chemise blanche, ceinture et foulard rouge). Rappelons que la Monarchie de Juillet marque le retour du drapeau tricolore mis en place en 1789 et disparu durant la Restauration au profit du drapeau blanc.


Au 3eme plan, se trouvent les insurgés, brandissant leurs armes en plein assaut; ouvrier, artisan,  bourgeois, gamin des rues représentent les différentes classes sociales du peuple se battant aux côtés de la Liberté. L'homme au chapeau haut de forme et à la ceinture rouge est surement un bourgeois (peut-être un autoportrait de Delacroix??), il est armé d'un fusil de chasse.

Juste derrière lui se tient un ouvrier, sûrement un forgeron ou lamineur, reconnaissable à son pantalon à pont (pantalon à double ouverture à boutons sur le devant) et à son tablier. Il tient un sabre de l'infanterie napoléonienne nommé "briquet". Il est coiffé d'un béret et porte à sa ceinture un pistolet et un foulard rouge et bleu, rayé de blanc, rappel du drapeau tricolore.
A ses pieds, un adolescent, qui agrippe un pavé, porte le bonnet du voltigeur (nom donné à un soldat ou fantassin  de première ligne, fin tireur, porté en croupe par un cavalier) de la garde nationale,  hostile à Charles X.
 A l'arrière plan, sur la gauche, on aperçoit un étudiant de polytechnique reconnaissable à son bicorne bonapartiste et à l'extrême droite, au bas des immeubles, on devine un détachement de grenadiers.





L'arrière plan permet de situer l'évènement à Paris, grâce à la représentation des tours de Notre Dame en haut desquelles flotte le drapeau tricolore.



Analyse

Achevé en décembre, le tableau est exposé au Salon de mai 1831. Il semble né d’un seul élan.
Le tableau représente l’assaut final. La foule converge vers le spectateur, dans un nuage de poussière, brandissant des armes. Elle franchit les barricades et éclate dans le camp adverse. A sa tête, quatre personnages debout, au centre une femme. Déesse mythique, elle les mène à la Liberté. A leurs pieds gisent des soldats.
Delacroix écrit à Charles Verninac son neveu :
" Trois jours au milieu de la mitraille et les coups de fusil ; car on se battait partout. Le simple promeneur comme moi avait la chance d'attraper une balle ni plus ni moins que les héros improvisés qui marchaient à l'ennemi avec des morceaux de fer, emmanchés dans des manches à balai ".


Une peinture d'Histoire:
Ce tableau est un témoin historique et politique des Trois Glorieuses.  Les journées du soulèvement populaire contre Charles X, les 27, 28 et 29 juillet 1830, ont également inspiré à l'époque d'autres œuvres témoins de cet épisode historique, notamment  celles peintes par Hippolyte Lecomte, Horace Vernet ou Jean-Victor Schnetz:
Delacroix témoigne du dernier sursaut de l'Ancien Régime, en combinant détails réalistes et symboles, actualité et fiction, réalité et allégorie.




Massacre de Scio, 1824

Le peintre est apprécié par Charles X, qui lui a acheté "les massacres de Scio", et il est  ami avec la duchesse de Berry et la famille Orléans. Pourtant, Delacroix prend ici parti pour le peuple qui se soulève pour obtenir sa liberté et son indépendance. Même s'il n'a pas participé aux combats, le peintre a été ému par le sacrifice des hommes et des femmes lors des Trois Glorieuses. Passionné de liberté, Delacroix exprime avec saisissement et sentiment la gloire du peuple citoyen "noble, beau et grand".


Au sujet de son œuvre, le peintre a écrit:
"Si je n'ai pas vaincu pour la patrie, au moins peindrai-je pour elle."
Devançant "Guernica" de Picasso, "la Liberté guidant le peuple" est une œuvre historique et révolutionnaire issue du genre majeur de la peinture du 18ème siècle, celui de la peinture d'Histoire.



Une œuvre romantique:

Ce tableau représente la Liberté comme une valeur à conquérir par le peuple, les armes à la main, en sacrifiant sa vie s'il le faut. C'est un sujet dramatique digne du théâtre Shakespearien, illustrant l'un des slogans révolutionnaires de l'époque: La liberté ou la mort.

La femme représente le combat du peuple pour la liberté, c'est une allégorie (une idée représentée par une personne) de la liberté. En faisant "descendre dans la rue" son allégorie, Delacroix bouleverse la façon de représenter le sens de l'Histoire. En l'ancrant dans la dure réalité de la bataille, il rend son symbole vivant et proche du spectateur. Sa fusion inédite du réel et de l'idéal, propose une vision nouvelle et émouvante de l'Histoire. C'est la caractéristique du courant romantique. Tout comme Shakespeare ou Goethe dans leurs œuvres, Delacroix veut faire ressentir des émotions fortes , plus proche de la vraie vie. On retrouve d'ailleurs des éléments communs à la tragédie classique: le sang, les épées, la nudité antique mélangés à des détails ordinaires de l'époque tels qu'un fusil de chasse, un bas retroussé, un tablier. Les brigands y côtoient des héros, le peuple y côtoie une divinité dans une contradiction voulue. Les genres se mélangent entre comédie et tragédie. En France, Victor Hugo est le théoricien de ce genre nouveau genre de théâtre qu'est le théâtre romantique. Delacroix, tout comme l'écrivain, s'exprime avec une grande liberté, au risque de choquer les classiques.



Géricault
Le peintre Géricault
est le 1er à proposer une peinture romantique et il est intéressant d'étudier l'influence qu'il a eu dans la réalisation de cette toile de Delacroix.

Géricault reste le 1er à proposer un chef d'œuvre du romantisme avec "le Radeau de la Méduse". Exposé en 1819, ce tableau est un choc esthétique chez Delacroix âgé alors de 20 ans à peine.

Géricault y relate une drame contemporain à forte connotation politique : il représente les quelques survivants du vaisseau qui a fait naufrage en 1816 en raison de l'incompétence du gouvernement royal.

Voyons comment 11 ans plus tard, Delacroix rend hommage à ce chef-d'œuvre par des citations claires dans son tableau de "La liberté guidant le peuple":

Le cadavre allongé à droite, le corps nu en chemise, le bas et la chaussette en accordéon, le torse coupé. La correspondance entre les deux toiles va plus loin: même source d'éclairage  latérale et même contraste fort ombre/lumière. Même composition en triangle avec à sa base l'amoncellement de cadavres et à son sommet un drapeau flottant. A l'horizon des deux tableaux est représenté l'espoir d'être sauvé: le bateau qui va sauver les naufragés est remplacé dans "la Liberté guidant le peuple" par l'espoir qui vient du drapeau tricolore flottant en haut des tours de Notre Dame.

 

Quelques différences essentielles entre les deux œuvres sont pourtant à notifier. Delacroix va plus loin que Géricault dans sa démarche "romantique", dans sa volonté de toucher le spectateur. La représentation du  "radeau de la Méduse", même si elle est dramatique, permet au spectateur de rester en retrait face à cette tragédie:

Les personnages sont dos au spectateur, le regard de celui-ci, légèrement placé en hauteur, domine la scène. On avait constaté que c'était l'inverse dans la toile de Delacroix, représentée légèrement en contre-plongée. La palette de Géricault oscille entre le gris et le brun, plus proche des teintes des statues antiques que de la réalité. En effet,  aucune trace de sang n'apparaît malgré le drame qui s'et joué. Remarquons enfin qu'aucun détail ne permet de situer la scène dans le temps: ni les habits ou coupes de cheveux, ni des objets. C'est une œuvre intemporelle et seul son titre permet de savoir de quel évènement il s'agit. Géricault présente ainsi au spectateur un sujet poignant mais non actuel et pas choquant, lui permettant de rester détacher. Dans le tableau de Delacroix, nous avons vu que la plupart des objets permettaient de situer la scène de façon très précise aussi bien de façon temporelle (habits, fusils...) que spatiale (les tours de Notre Dame). Seul le titre, en exposant l'idée de l'allégorie de la Liberté, rend le tableau intemporel.  Contrairement à Géricault, Delacroix a obligé le spectateur à faire face à ses personnages et  à leurs blessures. Il les a rendu à témoin d'un évènement tragique qui les a littéralement submergé par sa violence et sa véracité. C'est par cette émotion générale et complète qu'elle suscite chez le spectateur que son œuvre acquiert son statut de toile universelle et intemporelle.

Une œuvre symbole de la République:

L'allégorie de la Liberté, coiffée du  bonnet phrygien, adopté par les sans-culottes de la révolution de 1789 et brandissant le drapeau tricolore (interdit depuis l'exil de Napoléon en 1815) symbole de cette même Révolution, est devenue la Marianne française emblême de la République. L'épisode des Trois Glorieuses n'est pas le plus connu du peuple français  et sera on le sait, un échec puisque suivi par la Monarchie de Juillet avec Louis-Philippe 1er. Ceci dit cet épisode de révolte contribua à l'ascension du peuple français vers plus de libertés.  Louis-Philippe gardera d'ailleurs le drapeau tricolore, symbole d'une répartition équitable du pouvoir entre la Nation (les couleurs de la ville de Paris étaient le rouge et le bleu) et le roi (le blanc).
Au fil du temps, l'œuvre de Delacroix est devenu un symbole républicain et son effigie féminine l'icône de la République. Le symbole s'est banalisée au point de figurer à partir de 1978 sur nos anciens billets de 100 francs et ce jusqu'en 1995. Les timbres d'usage courant transformèrent le profil de la Liberté en celui de Marianne à partir de 1982.

Le  fort caractère politique de cette oeuvre a suscité et suscite encore à travers le monde de nombreuses et nouvelles appropriations. Nous pouvons ainsi retenir le fameux photomontage de l'antinazi John Heartfield, rassemblant la Liberté aux combattants républicains de Madrid en 1936 sous le nom de  "La Liberté elle-même combat dans leurs rangs".

A la fin de la 2nde guerre mondiale, le discours du général de Gaulle fut illustré par "la Liberté guidant le peuple". En mai 1968, le tableau influença l'œil des photographes qui suivirent la révolte des étudiants dans les rues de Paris.

 Le président Mitterrand l'utilisa dans un clip de sa campagne présidentielle en 1981. La fête de l'humanité illustrera ses affiches de 2009 avec une nouvelle Liberté actualisée. Très récemment, la Une du journal "The Economist" utilisa la peinture de Delacroix pour illustrer son dossier consacré aux riches assiégés (les ouvriers qui prennent en otages leurs patrons français)...etc

De façon plus anecdotique, son caractère "dénudé" a, quant à lui, suscité quelques scandales: En 1999, pour son exposition au Japon, les seins de l'allégorie furent masqués lors d'une escale.Les billets de 100 francs circulant en Iraneurent les seins de la liberté couverts. En 2006, le gouvernement turc demanda le retrait de la reproduction de l'allégorie dans un manuel scolaire. La même année l'état du Maine aux Etats-Unis trouva que ce tableau, choisi pour illustrer une étiquette de bière, était indécent est interdit son utilisation dans les publicités.

Le tableau est devenu la bannière de moult combats, revendications ou causes. Plus que la liberté, il incarne l'idéal révolutionnaire.
à noter: Le 7 février 2013, La liberté guidant le peuple a été vandalisée au Louvre Lens peu avant la fermeture du musée. Une jeune femme a tracé au marqueur l’inscription «AE911» sur la partie basse du chef-d’œuvre.  Ce «AE911» fait référence à «Architect and Engeneer for the 9/11», un groupe tenant de la théorie du complot autour des attentats du 11 septembre 2001, et qui milite pour l’ouverture d’une «enquête indépendante».



















17 commentaires:

  1. Vraiment bien, explique tout en détail bravo au créateur du site

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  2. Super pour l'HDA, info a ne plus savoir qu'en faire.

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  3. Super pour l'HDA qui me sert de base mais c'eest juste pour l'interprétation quelqu'un peut m'aider

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  4. Intéressant, bon commentaires!

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  5. Très bon site où l'on peut avoir confiance ! Merci au créateur ! :D

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  6. merci pour ce commentaire détaillé, très utile pour mes travaux d'hda !

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  7. merci d'avoir crée cette page car c'est très utile pour l'HDA

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  8. merci d'avoir crée cette page car c'est très utile pour l'HDA

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  9. Superbe travail de la part de l'auteur !
    Cela va m’être très utile comme base pour l'HDA !

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  10. merci beaucoup cela m aide beaucoup pour l HDA
    cependant j ai remarqué une faute à la biographie de l'auteur vous avez écrit:
    Le jeune peintre passe beaucoup de son temps à copier les maîtres qu'il admire aux musée du Louvre
    soit aux musées soit au musée je pense que la deuxième version est meilleure

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  11. Très bon site cela m'aide beaucoup pour l'HDA.
    J'ai juste une petite question a posé.

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  12. Très bon site cela m'aide beaucoup pour l'HDA.
    J'ai juste une petite question a posé.

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  13. savez ce qu'on peux prendre comme liens si j'ai pris ce sujet ??

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  14. pour la construction du tableau, Géricault et le radeau de la Méduse est Le lien. Delacroix s'en inspire énormément (création du hors champs avec les personnages coupés au 1er plan). la rue du Montorgueil de Monet peint en 1878, utilise la couleur des drapeaux pour rythmer le tableau.
    ce tableau est devenu l’emblème de la République (cf timbre, billets...), le lien peut être fait avec la volonté d'un peuple de s'unir pour défendre certaines valeurs... on peut faire un parallélisme avec les événements récents de l'actualité, qui ont donné de nouvelles versions du fameux tableau.
    http://20000lieuessurlenet.over-blog.com/2015/04/la-liberte-guidant-le-peuple.html

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  15. un peu abusé mais sinon très complet bravo a tous les créateur du site !!!!

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  16. Comment peut-on savoir ce qu'a voulu dire l'artiste à travers l'oeuvre?

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  17. Merci beaucoup, j'ai beaucoup appris

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