66 x 67,8 cm
Århus museum
L'art danois du XIXeme siècle:
L'art danois s'est développé lors de la création de la fondation royale danoise
des Beaux-arts en 1754. Les artistes y étaient formés et amenés à poursuivre
leurs études à l'étranger, particulièrement en Italie ou en France. Le but était qu'ils y découvrent le style
européen et qu'ils acquièrent des connaissances et techniques de l'art classique.
Le célèbre peintre danois N.A. Abildgaard passa ainsi 5 années à Rome et fut l'un des premiers à étudier
le néoclassicisme. Les artistes travaillaient sur commande pour l'Etat et
l'église, les sujets étaient donc pour la plupart historiques, mythologiques ou
religieux.
Petit rappel historique...
Le XIXème siècle voit l'essor des régimes constitutionnels:
A la chute de l'Empire napoléonien, la majeure partie des pays européens connaissent une évolution libérale. En 1815, les Pays-Bas, la Pologne, la Suède et la Norvège possèdent une Constitution. Après les mouvements révolutionnaires
de 1830 opposant libéraux et contre-révolutionnaires, l'Espagne et le Portugal
adoptent un régime constitutionnel. Lors du Printemps des Peuples de 1848, de
nombreux autres pays rejoignent le mouvement, et certains pays modifient leurs
institutions dans un sens plus libéral (Danemark). Le mouvement libéral atteint même les Etats les plus autoritaires comme l'Autriche-Hongrie, où l'empereur François-Joseph, antilibéral au début de son règne (1848) devient un souverain constitutionnel.
Dans le Danemark du début du 19eme siècle, avec la révolution marquant la fin de la
monarchie absolue et la création d'une monarchie constitutionnelle en 1849, se
développe une nouvelle classe sociale, une classe bourgeoise. De nouveaux
commanditaires apparaissent en même temps que de nouveaux thèmes picturaux. La
peinture historique et les scènes néoclassiques sont reléguées au second plan,
laissant place au portraits, à la peinture de genre et à celle de paysage. Le mouvement national libéral communiste est devenu très puissant au XIXème siècle et l'art se met à son service: la
peinture se doit de révéler la réalité de son époque et de renforcer l'identité nationale du pays: scènes
folkloriques dévoilent bientôt les us (coutumes) de la campagne danoise ou de la
communauté de pêcheurs.
Etant coupé de l'influence de l'art européen, le courant
nationaliste artistique s'essoufflera peu à peu.
Christen Dalsgaard (1824- 1907)
C. Dalsgaard est né à Skive au Nord du Danemark. Il a suivi l'académie
royale des Beaux-arts à Copenhague et à
partir de 1841, a étudié également dans
l'atelier privé du peintre Martin Rorbye. En vacances, il remplissait des
carnets de croquis de paysages ou de scènes de vie quotidiennes et aussi
d'esquisses de costumes locaux, qu'il s'amusait d'autre part à collectionner.
Ces carnets d'études furent la base de son art.
En 1844, le peintre a été influencé par l'historien d'art Niels Lauritz
Hoyen, qui avait tenu une conférence sur "les conditions du développement
d'un art national scandinave". L'historien y encourageait les artistes à
se focaliser sur des sujets populaires de la vie de leur pays au lieu d'être
influencer par l'art des autres pays européens. Sous son influence Dalsgaard
renonça à son voyage initiatique en Italie qui était lié à sa formation, pour se
concentrer sur les sujets folkloriques de son pays.
En 1847, il commença à exposer et en 1855, il peignit un retable pour
l'église de sa ville natale. Il remporta un vif succès avec son tableau de vie quotidienne de 1856: "Landet du tømrer på d'en de hos de besøg de
Mormoner på" ("les mormons rendent visite à un charpentier de
pays").
Mormons visit a country carpenter, 1856 |
En 1878, il exposa à Paris lors de
l'exposition universelle. Un an plus tard, Il peignit une toile qui connut un
très grand succès: "Mon handog ikke skulle komme?" ("Je me
demande s'il viendra!"). Cette peinture est typique de son art: une jeune
femme se tenant dans l'entrebâillement d'une porte, regarde au loin. L'extérieur
représente un paysage agraire. Le titre de la peinture se rapporte à son
dialogue intérieur.
De 1890 à 1900, il peignit un ensemble d'illustrations de
la bible.
Durant sa carrière d'artiste, Dalsgaard peint principalement des scènes de
genre anecdotiques à la fois romantiques et aux couleurs locales (tout comme
les peintres Jorgen Sonne, Frederik Vermehren).
Ce sont des scènes
folkloriques nationales soignées et précises, situées pour la plupart dans le
Jutland. Tel un conteur, Dalsgaard dépeint ses personnages, leurs costumes,
leurs habitats et leurs habitudes avec beaucoup de détails. Ses peintures
racontent une histoire, celle de son pays au milieu du XIXème siècle. Son art
nationaliste a contribué à ouvrir la voie au peintres réalistes.
Analyse du tableau
Dalsgaard aimait raconter des histoires dans ses peintures. il leur donne
souvent un titre très long permettant au spectateur de saisir rapidement l'action
peinte.
Le titre de ce tableau: "L'adieu" est très court mais résume
parfaitement la scène représentée.
Dans l'entrée d'une maison ouverte sur un paysage extérieur, 3 personnages
sont représentés: Deux femmes sur la partie gauche du tableau: l'une âgée,
l'autre plus jeune desespérée, et sur la partie droite se tient un homme âgé, de
profil, regardant calmement vers l'extérieur.
Dehors, un homme de dos, baluchon
sous le bras et panier à la main, s'éloigne de la maison en direction de deux
silhouettes humaines et d'un voilier amarré.
Les détails des vêtements traditionnels
des personnages nous renseignent sur l'endroit où se passe la scène : nous
sommes au Danemark, l'homme âgé porte le vêtement traditionnel du paysan du Jutland,
tandis que la jeune fille porte le costume danois de l'épouse d'un marin.
Il
s'agit sans aucun doute d'une jeune mariée qui assiste au départ de son époux
pour la mer. Elle montre son désespoir, s'agrippant à la jupe de la femme âgée,
ce qui permet d'imaginer qu'il s'agit ici sûrement de sa mère.
Ce tableau, de format carré, est comme une fenêtre ouverte sur une scène tragique
d'une simple famille danoise. La plus grande partie du tableau, qui est plongée
dans la pénombre, est l'intérieur d'une maison très simple et très rustique avec
un sol en terre battue. La perspective des poutres au plafond entraîne l'œil du
spectateur vers la partie la plus claire du tableau: l'extérieur, où au 1er
plan l'herbe verte évoque l'arrivée du printemps tandis que le ciel menaçant à l'horizon,
avertit des dangers de la mer et présage le danger d'un éventuel non retour
pour l'homme qui s'éloigne sur le chemin.
L'ensemble du tableau est très statique, malgré la violence des sentiments
éprouvés par la jeune mariée. Le décor, avec
ses cloisons dépouillés, le rythme des verticales de ses portes et son imposante
poutre au plafond, emmure les personnages dans leur désespoir et leur
résignation. La jeune femme tourne le dos à la lumière et le vieil homme, le regard lointain, semble ne plus
pouvoir avoir accès à ce dehors. L'homme qui s'éloigne à l'extérieur semble
déjà inaccessible, ignorant le drame qui se joue derrière lui.
L'artiste a peint la scène précisemment, scrupuleusement et objectivement à
la façon des peintres réalistes. Son regard neutre et objectif rend la scène
d'autant plus tragique.
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