"La liberté guidant le peuple"
huile sur toile de 2m60 x 3m25
peinte en 1830
exposée au Louvre
courant artistique: le romantisme
genre: peinture d'histoire
Le Peintre:
Eugène Delacroix (1798-1863), fils
d'un haut fonctionnaire de l'Etat qui meurt rapidement (ou fils illégitime de
Talleyrand, 1er ministre?). Durant toute sa carrière, Delacroix peindra des
toiles achetées ou commandées par l'Etat.
Durant sa vie, il sera honoré par
l'Etat: officier puis commandeur de la Légion d'honneur.
Son style artistique lui vient de
son admiration pour Géricault (qu'il a connu jeune, dans l'atelier de
formation) . Le style baroque de Rubens (qu'il découvre dans ses voyages en
Belgique) influence sa façon de peindre: palette de couleurs et composition
dynamique, en mouvement avec des touches de pinceau plus libres. Son vif
intérêt pour le théâtre de Shakespeare (découvert lors de son séjour en
Angleterre) ou Goethe influence sa manière d'exprimer les sentiments dans sa
peinture.
Delacroix aime fréquenter les
salons parisiens littéraires où il rencontre Baudelaire, Théophile Gautier...
Il voyage au Maroc et en Algérie,
d'où il rapportera ses célèbres carnets de croquis.
En 1855, pour la 1ère exposition
universelle, une rétrospective présente 36 de ses toiles dont la fameuse
"chasse aux lions", peinte pour l'occasion (inspirée de celle de
Rubens).
Durant sa carrière, ses œuvres
s'éloignent de la rigidité du néoclassicisme pour exprimer la passion humaine.
Son travail suscite de violentes réactions: triomphes ou critiques acerbes se succèdent.
Il est considéré comme précurseur du mouvement romantique avec Géricault.
La toile: fut achetée par l'Etat en
1831, mais jugée trop audacieuse, elle fut cachée longtemps et entra au Louvre
en 1874.
Delacroix en a dit: "Si je
n'ai pas vaincu pour la Patrie, au moins peindrai-je pour elle..."
Contexte historique:
Dans ce tableau, nous sommes la
seconde journée des "3 Glorieuses": le 28 juillet 1830, jour où le
drapeau tricolore est hissé en haut des tours de Notre Dame de Paris.
La scène se situe sur une des
barricades dressées à Paris.
Les 3 Glorieuses: sont les 3 jours
d'insurrection qui ont eut lieu après la signature des ordonnances du roi
Charles X, qui limitaient certaines libertés au peuple (liberté de la presse
notamment). Le peuple et la bourgeoisie se révoltent ensemble pour la 1ere fois.
Charles X abdique et s'exile. S'en suivra non pas la République mais la
Monarchie de Juillet avec le roi Louis-Philippe 1er.
Du côté du monde artistique, le
néoclassicisme (vu avec David) se heurte aux romantiques, qui veulent exprimer
avec sensibilité leurs sujets.
Analyse de la toile
Construction en pyramide: base
formée par les cadavres, sommet formé par l'angle du bras et de la hampe
(bâton) du drapeau tricolore.
Lumière latérale, offrant de forts
contrastes clairs/sombres
Couleurs homogènes: camaïeu de
bruns avec touches répétées de bleu-blanc-rouge, leitmotiv du drapeau.
1er plan: amoncellement de
cadavres, la partie "sombre" à tous points de vue du tableau.
rappelle les cadavres du "Radeau de la Méduse" peint par Géricault 11
ans plus tôt. On y reconnaît (par leurs habits) deux soldats de Charles X à
droite.
2nd plan: La Liberté guidant le
peuple: Eclairée de toute part, elle rayonne au centre du tableau (auréolée par
le ciel couchant derrière elle). Elle est représentée "en pied" (en
entier), avançant vers le spectateur, décidée et dynamique. Elle est coiffée du
bonnet phrygien (symbole de la Révolution de 1789), drapée en partie, à la
façon des statues gréco-romaines (à noter son profil grec) et brandissant le
drapeau tricolore (qui avait été supprimé durant la Restauration).
Armée d'une baïonnette de l'époque, cette
statue vivante, allégorie de la Liberté, ressemble à une simple fille des rues, avec son bras nu qui
laisse apparaître sa pilosité.
A son côté, un enfant (le futur
Gavroche de Victor Hugo dans "les misérables" écrit une trentaine
d'années plus tard) avance en criant à l'assaut. Aux pieds de la Liberté, un
homme, dont les vêtements ont les couleurs du drapeau se redresse.
La liberté, seule femme du tableau,
est entourée par les insurgés, qui brandissent les armes: bourgeois (homme au
chapeau haut de forme), ouvrier (à gauche avec son tablier) étudiant (arrière
plan, le bicorne des polytechniciens) et gamin (adolescent au sol agrippant un
pavé) illustrent les différentes classes sociales concernées par cette révolte.
A l'arrière plan: on aperçoit des
immeubles et les tours de Notre-Dame ainsi qu'un détachement de grenadiers.
Une œuvre romantique:
Surement en hommage au chef de fil
du romantisme Géricault, Delacroix construit et peint son tableau à la façon du
"radeau de la Méduse" (construction, cadavres...). Le peintre nous propose
ici un sujet dramatique digne du théâtre de Shakespeare, qui illustre
parfaitement le slogan de l'époque: "la liberté ou la mort". En
faisant descendre son allégorie dans la rue, Delacroix bouleverse la façon de
représenter l'Histoire. Il fusionne dans son personnage féminin un idéal avec la
réalité. Le peintre cherche à faire
ressentir des émotions fortes au spectateur. Il utilise des éléments du
théâtre tragique: sang, épées, nudité antique, mélangés à des détails de
l'époque: fusil de chasse, béret, briquet...Les genres se mélangent à la façon
du théâtre "romantique". Le spectateur ne peut pas rester insensible
à la scène qui se joue devant lui: bien réelle (détails permettent de la situer
spatialement et temporellement) de face, au dessus de lui (scène peinte en contre-plongée),
avec des enfants, des blessures, des morts... Le spectateur se retrouve submergé
par la violence de la scène et par ses émotions.
Une œuvre symbole de la République:
Ce tableau a souvent été associé
par erreur à la Révolution Française de 1789...sûrement à cause du bonnet
phrygien porté par la Liberté (comme le faisaient les sans-culotte en 1789) et
dont le célèbre profil est devenu notre Marianne française, un emblème de la République.
Les "3 Glorieuses" n'est pas l'évènement historique le plus connu des
français (suivi d'un échec puisque retour d'un roi avec la Monarchie de
Juillet) mais il permit d'obtenir de nouvelles libertés au peuple et le retour
définitif du drapeau tricolore (symbole d'une répartition équitable du pouvoir
entre la Nation et le roi) .
En 1978, la Liberté de Delacroix
est imprimée sur les billets de 100 francs et le profil de son allégorie orne
les timbres à partir de 1982.
Sa haute valeur symbolique lui doit
d'être réutilisée à travers le monde et les époques: photo montage de
Heartfield contre le nazisme durant la seconde guerre mondiale, ou plus récemment
la couverture du journal "The economist" , pour illustrer son article
sur les riches patrons assiégés en France. La liberté de Delacroix incarne
l'idéal révolutionnaire.
à noter: le tableau a été récemment
vandalisé (7 février 2013) au Louvre-Lens, par une jeune femme qui a tracé au
marqueur l'inscription "AE911"(Architect Engeneer for the 9/11),
groupe de personnes croyant à la thèse du complot pour l'attentat du 11
septembre 2001.
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